MIRMANDE



Lacroix : Statistiques du département de la Drôme 1835



MIRMANDE



MIRMANDE (Castrum Mirmandoe). - Ce village est sur un coteau assez rapide, à gauche et à quelque distance de la route de Lyon à Marseille, à 28 kilomètres de Valence et 16 de Montélimar. Sa population agglomérée n'est que d'environ 600 individus, mais sa population totale est de 2,166, parce que, outre son chef-lieu, la commune se compose de treize hameaux, parmi lesquels est celui de Saulses, que traverse la route.
Limité à l'ouest par le Rhône, et arrosé du levant au couchant par la Teyssonne, le territoire en est fort étendu. Les productions sont les mêmes qu'à Loriol.
Il se tient à Mirmande cinq foires par an ; il y a quelques tuileries et cinq fabriques d'ouvraison de la soie. La chaux qui s'y fabrique est de très bonne qualité ; elle a surtout pour les constructions hydrauliques une réputation méritée.
Mirmande était pendant les troubles civils une des places fortes du Valentinois.
On trouve dans le quartier de Bance des vestiges de la station que les Romains nommaient Batiana, et que les Itinéraires placent entre Montélimar et Valence. On y a découvert une colonne milliaire qui indiquait l'emplacement de l'ancienne voie domitienne.
On a également découvert à Saulses, en 1820, une fort belle mosaïque, en creusant un bassin, à une légère profondeur, dans le jardin de M.me Daly. Il est fâcheux que la propriétaire l'ait fait recouvrir de terre, et que ce beau morceau ne puisse plus être visité par les savans et étudié par les artistes.
C'est sur le territoire de Mirmande et non loin de Saulses que se trouve la campagne de Freycinet, qui a donné son nom au marin et au savant de ce nom ; c'est leur domicile d'affection, et quoiqu'ils soient nés l'un et l'autre à Montélimar, je crois devoir placer ici les détails biographiques que j'ai recueillis sur ces deux hommes honorables.
M. Louis-Henri de Saulses de Freycinet est né le 1er janvier 1778, et M. Louis-Claude de Saulses de Freycinet le 7 août 1779. Ils entrèrent dans la marine, à Toulon, le premier à 15 ans, et le second à 13 ans et demi, en qualité d'aspirans. Ils prirent part à tous les combats qui furent livrés dans la Méditerranée aux escadres réunies d'Angleterre et d'Espagne.
Au commencement de l'an V, ils passèrent leur examen d'aspirant de 1re classe ; mais au lieu de leur en expédier le brevet, le ministre crut devoir leur envoyer celui d'enseigne.
Le vaisseau sur lequel se trouvaient alors MM. de Freycinet se rendit à Brest, et après quelques années M. Henri de Freycinet reçut le commandement de la goëlette la Biche, où son frère passa aussi comme premier officier. Choisis en 1800 pour faire partie du voyage de découvertes aux terres australes, sous les ordres du capitaine Baudin, ils se livrèrent, pendant toute la durée de la campagne et avec assiduité, aux observations astronomiques et à la levée des cartes marines, dont l'objet était la description des côtes du continent austral. Ils furent faits lieutenans de vaisseau pendant la campagne, et M. Louis de Freycinet eut ordre de prendre le commandement d'un troisième navire qui fut construit à la Nouvelle-Hollande, pour satisfaire plus particulièrement aux besoins de la géographie.
Au retour, qui eut lieu en 1804, les deux frères reçurent chacun le commandement d'une corvette, avec la mission spéciale de stationner en Hollande, à l'embouchure de la Meuse, et d'y prévenir la contrebande, fort active alors sur ce point.
Le plus jeune des deux frères, M. Louis de Freycinet, étant tombé grièvement malade, fut obligé de quitter son commandement et de venir à Paris pour y recevoir les soins que son état exigeait. Mais l'aîné, M. Henri de Freycinet, ne tarda pas à recevoir la mission de porter des ordres à nos établissemens des Antilles. Avant d'arriver en vue de Saint-Domingue, il rencontra une corvette anglaise, et eut avec elle un engagement opiniâtre, pendant lequel il fut blessé à l'épaule et à la jambe ; mais il força son antagoniste à prendre la fuite.
Peu de jours après, étant sur le point d'attérir à Saint-Domingue, il fut rencontré par une frégate anglaise qui vint lui barrer le passage. Malgré la grande disproportion des forces, M. de Freycinet n'hésita pas à attaquer ce bâtiment et à l'accrocher à l'abordage. Le combat fut vif et meurtrier ; mais M. de Freycinet ayant eu le bras droit emporté par un boulet, fut obligé de quitter le pont. Son dernier ordre fut la défense d'amener jamais son pavillon, quelle que fût l'issue du combat. Cependant il fallut céder au nombre ; la corvette le Phaëton, qu'il montait, ne se rendit pas il est vrai, mais elle fut enlevée d'assaut. Le commandant de la frégate anglaise refusa de recevoir l'épée que le capitaine français lui fit remettre, et lui dit même qu'il ne pouvait regarder comme son prisonnier un officier aussi brave et plutôt malheureux que vaincu ; qu'il était donc libre, et pourrait retourner dans sa patrie aussitôt que l'état de ses blessures le lui permettrait. A son retour en France, M. Henri de Freycinet fut promu au grade de capitaine de frégate.
Pendant la convalescence de M. Louis de Freycinet à Paris, le ministre de la marine jugea à propos de le charger de la rédaction des travaux de géographie, d'astronomie et de navigation, qui avaient été faits pendant le voyage de Baudin aux Terres australes. Cet officier employa plusieurs années à cet ouvrage, qui lui valut d'être nommé correspondant de l'institut de France, et peu après capitaine de frégate. Cette première tâche finie, on lui imposa l'obligation de terminer la relation historique du même voyage, qui, commencée par Pérou, n'avait pu, en raison du décès de l'auteur, être conduite à sa fin.
Dégagé enfin de toute entrave littéraire, M. Louis de Freycinet sollicita et obtint le commandement d'une expédition scientifique autour du monde, dont le but essentiel était la détermination de la figure du globe dans l'hémisphère sud, des recherches sur les phénomènes atmosphériques, sur les variations de l'aiguille aimantée, sur la géographie, les moeurs, les usages et les langues des peuples sauvages. Ce voyage se fit sur les corvettes l'Uranie et la Physicienne, et dura trente-huit mois. Tous les travaux scientifiques furent exécutés par les officiers de l'état-major seuls, sans le secours d'aucun savant étranger, innovation fort honorable pour la marine française. Les résultats sont en grande partie publiés ; le reste est sous presse. L'ouvrage complet se compose de quinze volumes in-4° de texte et d'environ 350 planches, savoir : Histoire du voyage, 4 vol. et atlas ; Zoologie, 2 vol. et atlas ; Botanique, 1 vol. et atlas ; Observations du pendule, pour la mesure de la terre, 1 vol. ; Hydrographie et navigation, 2 vol. et atlas ; Magnétisme, 1 vol. ; Météorologie, 2 vol. ; Langues des sauvages, 2 vol.
A son retour, le commandant de cette expédition fut nommé capitaine de vaisseau, et quelques années après membre de l'académie des sciences de l'institut de France, puis membre du bureau des longitudes.
A l'instant même où le circumnavigateur revenait de son voyage, M. Henri de Freycinet, déjà capitaine de vaisseau depuis plusieurs années, était nommé au gouvernement de l'île Bourbon. Son administration paternelle et éclairée fit fleurir cette colonie, jusque-là fort malheureuse, et lui mérita un témoignage de gratitude aussi flatteur qu'honorable de la part de ses administrés, ce fut l'offre qui lui fut faite, quelques mois après son départ, d'un service en argenterie, avec cette inscription gravée sur chaque pièce : A M. Henri de Freycinet, l'île de Bourbon reconnaissante. Transféré du gouvernement de Bourbon à celui de la Guyanne française, puis de la Martinique, M. Henri de Freycinet y reçut successivement du roi le titre de baron et le grade de contre-amiral. Il remplit aujourd'hui (1835) les fonctions de préfet maritime au port de Toulon.

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